Réconcilier le sans-écran et la technologie…

Posted on Mar 3, 2019

Beaucoup de parents ont un regard critique sur l’impact de la technologie sur le développement des enfants. Et… surprise! Je fais partie de ceux là. Et oui, ce n’est pas parce que je travaille en technologie que mes enfants ont eu une tablette dans les mains dès leur plus jeune âge. Au contraire.

Je crois qu’il faut effectivement préparer nos enfants à un monde complexe, dont la technologie fera partie, peu importe la carrière qu’ils choisiront.

Mais je ne pense pas que de passer des heures devant des vidéos stupides ou un ‘third person shooter’ aie un quelconque lien avec l’usage professionnel de la technologie. Il y a une grosse différence entre consommer de la technologie et en produire.

Voici donc ma philosophie sur ce qu’on appelle chez nous ‘le temps d’écran’:

– Les télévisions, tablettes et ordinateurs ne sont pas l’oeuvre du démon. Et non, la plupart des enfants d’aujourd’hui ne passent probablement pas tellement plus de temps devant un écran que moi ou mon conjoint ont pu le faire à leur âge. En gros… faut pas capoter!

– … mais les enfants ont besoin d’expériences diverses pour développer l’ensemble de leurs talents, leur curiosité, leur goût d’apprendre et leur créativité. Si tout le temps est occupé par les écrans, que reste-t-il pour le jeu libre? Pour le contact avec la nature? Pour réconcilier sa tête et son corps?

– …mais beaucoup d’activités ayant lieu sur un écran sont solitaires, entièrement passives ou très contraintes. L’enfant ne fait que répondre à des stimulis sans se poser de questions, et sans pouvoir ‘sortir de la boîte’.

– …mais la stimulation d’un écran offre une récompense tellement immédiate et facile que c’est difficile pour d’autres activités gratifiantes mais qui demandent de l’effort de compétitionner.

– …mais certains jeunes enfants deviennent complètement hypnotisés par les écrans, et l’abus de temps d’écran se traduit directement en crises par la suite.

Nous avons donc, mon conjoint et moi, mis en place des principes directeurs dans l’usage des technologies dans la vie de nos filles.

– Le temps d’écran doit être délibéré. On veut que les filles choisissent précisément ce qu’elles ont l’intention de faire et négocient ensemble le contenu (sur lequel on a évidemment un droit de véto)

– Une activité en groupe est toujours préférable à une activité seule. Regarder un film collés en famille, écouter le hockey avec papa ou jouer à un jeu coopératif parent-enfant, c’est mieux que toute activité solitaire.

– Un jeu ouvert de type ‘bac à sable’ est préférable à une activité passive ou contrainte. Si on voit que les filles interagissent avec le contenu, se posent des questions, essayent des choses nouvelles… on va encourager ces activités là.

– Le temps d’écran est limité – typiquement un maximum de 20 minutes par jour la semaine, et autour d’une heure par jour le week-end.

– On peut étirer un peu la règle précédente s’il s’agit d’une activité clairement pédagogique, comme Scratch, Duolingo ou Khan Academy.

– Le temps d’écran ne doit jamais prendre la place d’autres activités ‘en vrai’. Si on a de la visite, si on a une sortie prévue, si on va jouer dehors, et bien il n’y aura pas de temps d’écran ce jour là et tant pis. Interdiction de chialer – ce n’est pas un droit inaliénable.

– En cas de comportement désagréable ou de chicane, le temps d’écran peut aussi disparaître tout à faire arbitrairement. Encore là, ce n’est pas un droit inaliénable.

– Pas d’écrans à table, pas de nourriture devant les écrans, pas d’écrans en arrière-plan pour remplir l’espace.

Ceci dit, ça n’empêche pas de préparer nos filles à utiliser la science et la technologie. Apprendre à ‘penser en ingénieur’, c’est d’abord apprendre à être confortable avec les mathématiques, la géométrie, le raisonnement logique, l’abstraction, la démarche scientifique, la communication de concepts complexes…

On donne donc un accès illimité à:
– des jeux de construction
– des couvertures pour construire des « forts »
– du matériel et des outils de bricolage
– beaucoup, beaucoup de jeux de société
– quelques jeux technologiques « hors écran », comme le robot Cubetto ou les Snap Circuits.
– des livres de sciences (et plein de livres en général)
– des outils scientifiques, comme des jumelles, une loupe…
– un bac d’objets naturels, dont des minéraux intéressants, des coquillages…
– beaucoup de jus de chou rouge, de vinaigre et de bicarbonate de soude

Et on encourage aussi les activités qui encouragent la persévérance et la pratique délibérée, comme l’apprentissage de la musique ou d’un sport. Et bien sûr, une variété d’activités qui n’ont rien à voir avec la science et la technologie: un bac à déguisement pour inventer des « pièces de théâtre », des figurines d’animaux, une tonne de livres…

Quand ma fille grimpe dix, vingt fois le même mur d’escalade sans se décourager, elle en apprend plus sur la nature de mon travail qu’en jouant à Fortnite.